Francesca Cozzolino et Sophie Krier interviendront dans le cadre des 8ème rencontres « De tout pour faire un rite. La mécanique de l’efficacité » organisées par la revue Techniques et Culture au MUCEM (Marseille) le 29 et 30 mars.
Date : Mardi 29 mars 11h-16h30 et mercredi 30 mars 9h30-16h30
Lieu / en ligne : MUCEM LAB – Fort St Jean [salles Khamsim & Meltem] entrée 201 quai du port / En ligne
Lien d’inscription / de visionnement : Entrée et visionnement libres et gratuits sous réserve d’inscription préalable en écrivant à mucemlab@mucem.org.
Le programme complet de ces rencontres est disponible ici.
Texte d’accroche :
Lors de cette première journée de rencontre traitant des approches processuelles et englobantes des rituels, Francesca Cozzolino (anthropologue, EnsadLab) et Sophie Krier (artiste-chercheure, EnsadLab) présenteront leur projet d’article intitulé « Faire danser la terre » Le lasotè : un rituel agricole en Martinique issu de l’enquête de recherche-création « Savoir-faire créolisés ». Leur intervention aura lieu entre 16h et 16h15.
Résumé :
Cette contribution prend la forme d’un portfolio commenté d’images de terrain issues d’une recherche en cours autour du lasotè, un rituel de travail collectif de la terre, qui, en Martinique, depuis l’époque de l’esclavage, continue d’être effectué.
Nous avons observé et documenté les différentes actions engagées dans cette pratique agraire à partir des activités menées par l’association Lasotè installée à Fond Saint-Denis et qui perpétue cette tradition en militant pour sa labélisation, par le ministère de la Culture français, comme un « Patrimoine culturel immatériel ».
Plus précisément cette contribution, qui s’inscrit dans l’axe 2 : « Les chaînes opératoires rituelles : assemblages matériels, dispositifs dans l’effectuation des rites », s’attache à décrire les articulations entre les gestes, paroles, outils et matières mobilisés dans ce rituel.
Le lasotè est une pratique agricole, qui engage le travail d’une parcelle de terre de manière collective et prend la forme d’une performance où les gestes des travailleurs s’articulent au rythme des sons émis par les musiciens jouant d’instruments spécifiques (le tambour, les petits bois et le son d’une conque de lambis). Les gestes sont également rythmés par des paroles (en créole) d’un kryé, « crieur », qui de manière répétitive exhorte et incite les travailleurs en s’adressant tout autant à la terre et aux ancêtres qu’à ceux qui la travaillent.
Considérée comme une manière de travailler la terre « en sosiété », cette tradition repose sur l’idée de solidariser les différents membres d’un groupe autour d’une parcelle agricole. Son objectif est de parvenir au partage du travail et à l’engagement des participants dans une situation de coopération afin de faire de la terre une ressource dont il convient de prendre soin, plutôt que comme un système d’exploitation. La construction des liens s’organise ici au sein de la logique du koudmain, « coup de main », notion qui met l’accent tout autant sur la force du travail collectif que sur celle de l’individu et qui aujourd’hui est réinvestie par des groupes qui défendent une relation à la terre qui s’oppose aux modèles de la plantation.
Par l’image, cette contribution vise à décrire le fonctionnement et l’environnement matériel et sensible de ce rituel agricole : des préparatifs à la performance verbale du kryé (« crieur »), qui agit sur l’action des laboureurs de la terre ; des objets et outils (conque de lambis, instruments en bois, paniers en vannerie, vêtements de travail) aux gestes magico-techniques comme ceux d’enterrer aux quatre coins du champ différentes plantes qui assurent la protection de la parcelle. Plus particulièrement, nous souhaitons exposer la réciprocité qui s’établie dans le lasotè entre l’activité des musiciens et celle des laboureurs en étant particulièrement attentifs à la description visuelle des étapes de l’action, des acteurs concernés, des objets techniques mobilisés afin de montrer comment la relation au monde végétal qui s’établit dans ce rituel nous informe de l’organisation sociale de la Martinique rurale contemporaine.
Légende d’image :
Deux situations de lasotè, un rituel collectif de labourage sur pente de la terre . A gauche : Fonds St Denis, juin 2021. A droite : Morne Vert, janvier 2022. Photos Francesca Cozzolino